mardi 15 avril 2025

Chapitre 7 - épilogue

 

Couleur : gris

Consigne : échec de Tomoe

 

Le chat en onyx noir a disparu le soir même du dernier spaghetti.  La copie en plâtre du baiser de Rodin a été fracassée quelques jours après, on se demande toujours qui a pu faire cela….

Suite à la pandémie du virus H40-45 qui dévaste le monde, l’enquête sur le trafic de drogue a été rapidement bâclée.  Le procès qui a suivi l’a été tout autant.  Pierre a été relaxé par manque de preuves de son implication dans le trafic avec la bande de St-Gilles.

Maria a ravalé la honte causée par cette histoire qui a fait la une des journaux locaux.  Elle est heureuse d’avoir retrouvé son fils après une longue détention préventive.  Il est condamné à une année de prison avec sursis et à vingt semaines de travaux d’intérêt général auprès d’une institution soignant des victimes de la drogue ainsi qu’aux dépens du procès.  Tomek réoccupe sa chambre chez Maria et est résolu à réussir sa vie sans ne rien devoir à personne.  Il fait montre d’une gêne certaine quand il croise Tomoe dans les communs de l’immeuble.

Tomoe a continué son travail d’interprète auprès de l’UE sans guère de conviction et avec des problèmes de concentration qui ne sont pas passés inaperçus !  Elle a dû être plusieurs fois remplacée en pleine séance de travail par une collègue de réserve…  En dépression, elle est en arrêt de maladie pour un temps indéterminé…

Hagarde, elle passe de nombreuses heures plantée devant le miroir vénitien, les mains appuyées sur la console près de la porte d’entrée de son appartement.  Sans le vouloir vraiment, elle entend Pierre aller et venir sur le palier.  Elle ne sait comment il gagne sa vie car il a été suspendu par l’Ordre des Médecins.

Maria lui a dit qu’il devait travailler comme infirmier dans le home médicalisé du bout de la rue.  Lui aussi est embarrassé quand il rencontre fortuitement Tomoe.  En tous cas, c’est l’impression qu’il veut laisser…

Le miroir est embrumé en permanence.  Tomoé ne peut plus que se deviner dans cette ombre sans couleur qui lui fait face.  Même la vieille femme aux yeux cousus n’y apparaît plus.  Tomoe tourne à vide.  Elle se sent désespérément seule, blousée, oiseuse…

Soudain, elle prend conscience que tout va à veau l’eau depuis qu’elle a acquis ce miroir.  En vérité, ce beau miroir vénitien dont elle rêvait depuis tant de temps lui a toujours fait peur !  Maudit soit-il !

 

Epilogue

 

Il fait nuit.  La lune est pleine.  Emportant son miroir sous le bras, Tomoe sort de chez elle.  Pieds nus, un sac à dos vide, elle se dirige vers le parc et son étang, vers l’endroit qu’elle préfère, où elle a toujours cru pouvoir se ressourcer…

Une inscription est gravée maladroitement dans le bois du banc sur la rive, « Ici, la boue est faite de nos pleurs ! » (3)

Elle pose le miroir au pied d’un arbre, s’agenouille et s’y contemple.  A son image floue se superpose par instant l’image de la vieille femme, les yeux largement ouverts, exorbités…

-         Âme abîmée, flétrie, qui n’a rien voulu voir et n’a rien maîtrisé…

Elle se saisit brusquement du miroir et le fracasse sur un rocher de la rive.

Cela fait, elle remplit son sac à dos et ses poches de gros galets et descend dans la mare.

L’eau est froide et étale.

La lune s’y reflète en milliers de diamants.

Les pieds nus de Tomoe s’enfoncent dans la vase…

 

(1) et (2)  Virginia Woolf : Mrs Dalloway.

(3) Baudelaire : moesta et errabunda, Spleen LXII.

577  mots !

14 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. Bonjour Jan,

    Maria est heureuse, elle a retrouvé son fils Tomek qui a été condamné à 1 an de prison avec sursis (après une longue préventive) et à des T I G

    Pierre, ce beau salaud, a été radié de l’ordre des médecins. Il officierait à présent comme infirmier !
    Quant à Tomoe, elle a de sérieux problèmes de concentration. Entre en dépression. Absente du travail pour une durée indéterminée. Elle finit par se suicider.

    Une fin terrible pour ce polar mené de main de maître. Félicitations.
    Cordialement, Christian

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  4. Bonsoir Jan,
    Dans ce dernier texte, tu fermes toutes les portes pour tous les personnages mais, me semble-t-il, de manière un peu désordonnée. Cela ne te laisse pas beaucoup de possibilités de t'attarder sur les émotions et sentiments des personnages.
    On ne sait combien de temps se passe entre" le dernier spaghetti", les jugements de Pierre et Tomek, et le suicide de Tomoé.
    Sa prise de conscience soudaine de l'influence malfaisante du miroir vénitien semble suivie immédiatement du passage à l'acte.
    Est-ce qu'à aucun moment, elle n'a envisagé de demander de l'aide ?
    Pourquoi ne cherche-t-elle pas des solutions pour changer de vie, mettre en vente son trop grand appartement, s'éloigner des gens avec qui elle ne peut espérer reprendre la vie comme avant ?
    Pour cela, c'est vrai, il aurait fallu encore plusieurs textes, n'est-ce pas?
    Pour ce qui est de l'épilogue, je ne suis pas convaincue qu'on puisse se contempler dans un miroir, même si tu signales que l'image est floue, une nuit de pleine lune. L'idée ne m'est jamais venue de vérifier cette éventualité.
    Dommage pour Tomoé, je m'étais attachée à elle ; elle méritait une fin de récit plus heureuse mais "c'était écrit" dés le prologue.
    Merci pour tes commentaires ! Mais c'était mon choix orienté par la symbolique du noir. Bien à toi ! Gisèle

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  5. Bonjour Jan,
    La fin de la nouvelle est dense, tragique et symboliquement chargée.
    Elle mêle désespoir personnel, éléments fantastiques (le miroir et la vieille femme) et une dimension métaphorique.
    Cette fin me laisse un goût amer , un vertige, un malaise mais aussi plein de questionnements:

    Tomoe a-t-elle contribué indirectement à sa chute ?
    Est-que ce miroir est le symbole de son regard sur elle-même ou réellement un objet maléfique?
    La vieille femme aux yeux cousus représente-elle la vérité qu'Emma refuse de voir?
    Pourquoi casse-t-elle le miroir avant de s'enfoncer dans la vase?
    Elle aurait pu s'enfoncer avec lui, mais son acte veut délibérément exprimer quelque chose: casser l'image qu'elle a d'elle-même et qu'elle ne supporte plus ou en finir avec ce miroir qui ne lui a causé que des soucis?
    Ce sac rempli de galets est une image lourde de sens. Je l'interprète comme une charge mentale trop lourde mais n'y a-t-il pas plus ?
    Ce banc est-il dédié à tous ceux qui ont choisi de noyer leur douleur ? Est-ce la raison qui la pousse à choisir ce lieu pour en finir?

    Ta fin ne donne pas de réponse ferme, elle nous laisse au bord de l'eau trouble, tristes du sort qu'elle s'est choisi pour tout effacer...
    Comme le dit Gisèle, le prologue avait dit vrai...
    Merci Jan pour cette nouvelle qui nous a mis en haleine jusqu'au bout !
    Bravo!
    Colette

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    1. Je voudrais te dire merci pour tes commentaire si positifs sur la fin de ma nouvelle, Jan!
      Désolée pour la fin tragique d'Emma, c'est la faute à ma plume....
      Colette

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  6. Bonjour Jan,
    Lecture hypnotique pour moi.
    Celle qui s'en sort le mieux c'est Maria, elle semble être davantage dans une position d' observatrice heureusement elle récupère son fils pour un nouveau départ.
    J'aime le dernier § avant l'épilogue avec le miroir.
    L'épilogue me paraît logique , super!
    Ce climat de mystère reste avec l'épilogue. Il y'a beaucoup de pourquoi dans le sac à dos et les réponses sont à présent au fond de la mare. Pierre a été relaxé par manque de preuves de son implication dans le trafic avec la bande de St-Gilles alors pourquoi a t 'il été radié par l'ordre des médecins?
    Félicitations.
    Merci.
    Bon dimanche.
    Nadera

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  7. Bonjour Jan,

    Un superbe dénouement que tu construis habilement en deux parties de tons très différents. Une longue mise au point objective, factuelle pour ce qui concerne les personnages secondaires. A propos de Pierre, je retiens la question de Nadera : pourquoi est-il suspendu – non radié ! – alors qu’il a été acquitté ? L’ordre des Médecins, plus rigoureux que la justice exigerait-il un complément d’enquête ?
    Et puis, le ton change : l’écriture se fait poétique, l’émotion prend la place et surtout on comprend que ce qui pouvait paraître sans grande gravité a en fait détruit Tomoe. Une Tomoe tendre et naïve qui n’était pas faite pour un monde sans repères, sans fiabilité. Une héroïne qui émeut, qui suscite des questions sans réponse, ou dont la réponse appartient au lecteur.
    Il suffit des dernières lignes pour faire basculer ta nouvelle qui prend soudain une dimension authentiquement romantique, je pense au romantisme littéraire, cruel et désespéré.
    Il te reste maintenant à relire l’ensemble en veillant à la cohérence et en tenant compte des notes et suggestions quand tu le juges bon.
    Bon travail,
    Liliane

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  8. Bonjour Jan,
    Waow! Je ors de la lecture de ce dernier chapitre tout remué.
    Yu as fait fort ! Je ne m'attendais pas à un tel dénouement. Pauvre Tomoe, victime des autres, de celles et ceux qui n'ont pas sa pureté d'âme.
    Sans vouloir un happy end, je me demande : "Et si pour sortir de sa dépression Tomoe avait rencontré un psychologue , une personne ouverte et capable de percevoir la belle pierre au cœur de la jeune femme ? Si une relation de confiance et d'estime avait pu s'ébaucher entre eux ?"
    Bravo pour la maestria de ton écriture, pour ta culture générale et l'art que tu possèdes de la distiller dans ton récit. Te lire est un réel plaisir.

    Amicalement,
    José

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  9. Bonjour, Jan…
    J’arrive tard, évidemment. Que puis-je ajouter, sinon un simple ressenti?
    Le hasard a voulu que se retrouvent sur un même palier des êtres fragiles et qui optent pour des chemins aléatoires.
    J’ai malgré moi toujours eu une certaine compassion pour Pierre qui s’est laissé dériver alors que son premier geste était généreux. Tomek s’est laissé emporter par ses faiblesses. Maria a fait ce qu’elle a pu.
    Ce qui m’interpelle le plus chez Tomoe, c’est son spleen, sa détresse. Elle avait en main tous les atouts pour être bien socialement.
    Les révélations qu’elle consent à faire sur le tard sont graves évidemment. Comment n’a-t-elle pas trouvé quelqu’un à qui se confier, pour se faire aider.
    La fin du récit était prévisible évidemment mais décrite avec dignité, calme, avec sérénité même.
    Chapeau! Tu nous a fait vivre des moments de vie très denses dans un style sans fioritures ni facilités. Ce style juste et élégant qui est le tien.
    Un beau partage.
    Amicalement,
    Micheline.

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  10. Oh là là, Jan, quelle triste fin ! Tomoe, fragile, ne supporte pas d'avoir été manipulée par Tomek et par Pierre, un ado et un amoureux transi en qui elle avait confiance. Ils l'ont trompée, ils paient leurs forfaits, mais découvrir leur large part d'ombre lui est insupportable et son désespoir fatal nous fait mal.
    Une nouvelle bien goupillée, je me demand

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  11. je me demandais comment tu allais t'en sortir pour démêler le mystère ! Bravo, Jan !

    Marie-Claire

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  12. Le dernier regard.
    Le titre est bien choisi.
    Ce miroir tant rêvé qui participe à son cauchemar . Histoire bien construite. L'épilogue est dramatique mais poétique , très visuel.
    Humainement parlant je choisis le texte 4 qui me touche. Cette volonté de vouloir sauver le destin de Tomek et le fait que ce texte met en évidence le belle personne qu'est Tomoe motive ce choix. Et Pierre médecin un peu spécial mais avec des lacunes au niveau qualités ...
    Bravo.
    Texte profond .

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  13. Se lit d'une traite. Passionnant.

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Texte final

  Le dernier regard…     Prologue   Il fait froid.   La nuit est déjà bien avancée.   La mare étale, pareille à un miroir, reflè...